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SAINT-JUST

Saint-Just sortit en menaçant. Robespierre, épuisé par cette lutte qui avait été longue, se trouva mal. Le Comité était frappé de stupeur. Néanmoins il sembla prendre parti pour Carnot contre ses trois adversaires. Carnot, persuadé que ceux-ci allaient préparer une tentative pour se rendre maîtres du gouvernement, proposa aux Comités réunis de les gagner de vitesse en accusant Robespierre devant la Convention, de faire arrêter Henriot et de dissoudre la Commune. Cet avis ne fut pas écouté et peut-être agit-on prudemment. Robespierre était alors au plus fort de son ascendant. Je suis encore à comprendre que la sortie courageuse de Carnot ne lui ait pas coûté la tête[1].

Le défi ira s’accentuant pendant les dernières décades. « Saint-Just entrait souvent vingt fois dans une séance du soir et ne parlait que par sentences et par colère. » Enfin la nuit du 8 au 9 thermidor parmi ces collègues « en train d’improviser la foudre », selon son expression, il a fait de l’arrogance un genre de l’héroïsme : « Tu prépares un rapport, lui dit Collot, mais de la manière dont je te connais, tu as sans doute fait notre acte d’accusation. » Saint-Just alors se releva avec audace : « Eh bien oui, dit-il, tu ne te trompes pas, Collot, je rédige ton acte d’accusation » ; puis se tournant vers Carnot : « Tu n’y es pas oublié non plus et tu t’y verras traité de

  1. Prieur. Mémoires de Carnot.