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LES ANTÉCÉDENTS

il est possible qu’une voix plus puissante que la mienne ait parlé. Tant mieux.

Mais Lebas est vite découragé :

Nous avons beaucoup de mal et menons une vie très dure. Ma position n’est pas agréable ; les chagrins domestiques viennent se mêler aux peines inséparables de ma mission. Cela mine mon existence… Mille amitiés à Henriette. Je n’ose parler d’elle à Saint-Just, c’est un homme si singulier !

Décidément il a rompu ; mais pourquoi ? M. Hamel nous découvre une raison tellement insignifiante[1] qu’on y verrait volontiers un prétexte. Ce qui paraîtrait plus sérieux, c’est qu’à cette époque le divorce de Madame Thorin est en bonne voie et sera prononcé un mois plus tard ; que Saint-Just revient d’ailleurs de Blérancourt, et qu’il n’est pas impossible de voir en cette première amie, « la jeune personne » dont parle Thuilliers « que le ciel semblait lui avoir destinée pour compagne et dont il s’était plu lui-même à former l’esprit et le cœur, loin des regards empoisonnés des habitants des villes ». Lebas écrit encore :

Je n’ai avec Saint-Just aucune conversation qui ait pour objet mes affections domestiques ou les siennes. Je suis seul

  1. La jeune fille « prenait du tabac », et refusa à Saint-Just de lui sacrifier cette habitude.