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INTRODUCTION

que le forcené Saint-Just. Comment Mademoiselle Lenéru fit cette ascension, l’histoire en est dans son Journal et dans son théâtre.

Après ce jour lointain de février 1906 où la débutante m’apporta cet étrange morceau, un des plus extraordinaires qui soient jamais échappés à la plume d’une jeune fille, je n’ai plus revu qu’une seule fois Mademoiselle Lenéru. C’était chez Madame Duclaux, alias Mary Robinson. Sa force y recevait le perfectionnement de la grâce. Madame Duclaux avait appris le langage des signes pour converser avec la solitaire. J’assistai avec émotion à leur entretien. Toutes deux si différentes, mais des exemplaires saisissants, de l’élite féminine. On eut dit une héroïne de Corneille, enseignée et adoucie par une héroïne de Racine. Dès lors Mademoiselle Lenéru avait, sans aucun doute, mis au point ses jugements sur Saint-Just, mais nous avons raison de conserver et de publier tels quels les sentiments de sa vingtième année, car il y a dans ces pages désordonnées, où elle versa pêle-mêle, pour elle seule, ses pensées, ses rêveries et ses lectures, une audace d’inquiétude qu’aucune autre de ses œuvres, par la suite, n’a aussi largement déployée.

Maurice Barrès.