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mais je n’y consentirais. Il faut d’irréfrénables dispositions pour être chic et avoir de l’esprit dans un lieu pareil… margaritas ante… Je voudrais qu’on me donne des nouvelles de ton travail avec M. Brochard. Je ne peux pas penser de sang-froid à l’état de ton ami ; Montaigne disait préférer cela à la surdité, M. de Lesélenc, sourd, la même chose. Je ne comprends cela que si l’on est vraiment musicien. La suppression de la musique est la seule chose impardonnable, Je te réponds que je fais de l’observation à cet égard. La mort d’un organe n’enlève pas seulement une jouissance, c’est la disparition de tout un genre de conscience. Il faut avoir le spiritualisme tenace… Il serait trop long de te dire tout ce qu’il faudrait, le mot d’Obermann résume : « On comprend ce que l’on voit, mais on sent ce que l’on entend ». As-tu remarqué que le bruit est la seule inutilité, la seule superfluité dans la nature ? Il appartient, il n’existe que dans la vie consciente. On remarque, en général, que les aveugles sont plus gais, plus vivants que les sourds.

Voilà ce que tu gagnes à être esthète musical. Je te fais de l’acoustique-métaphysique.