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Je veux aussi te remercier de ton excellente lettre, car je ne m’y attendais pas, mon mot ne l’avait pas mérité ! Je crois que Maman t’a donné tous les détails au sujet des pauvres L… Je me suis levée de bonne heure pour embrasser mon oncle. Tout le monde a fait bonne contenance, mais on ne voyait pas le dedans !

Maman vous a parlé de la bizarre ressemblance L… A… Je n’ai rien vu de plus abrutissant, les expressions mêmes étaient identiques ; on se fait intenter un procès quand on plagie un homme de cette façon. Mais voilà, lequel est l’original ? Cela m’a fait exposer une petite thèse à laquelle je tiens beaucoup ; ces dames n’ont voulu l’admettre que lorsque j’ai appelé les robes à mon secours.

Je dis que les expressions qui ne tiennent pas du tic ou de l’hérédité, ou de l’imitation en général, sont déterminées par nos traits. Dès que j’ai pu voir ma tête amaigrie, j’ai senti qu’involontairement, j’adoptais d’autres expressions. Ces dames ont trouvé cela trop matérialiste, alors j’ai descendu de l’expression aux gestes ! Et je leur ai prouvé qu’elles n’avaient pas les mêmes avec des robes différentes. On passe (toujours par le geste) de Watteau à Rembrandt, selon les caprices de la mousseline claire ou du velours sombre.

Pardon, ma bonne tante, c’est le souvenir de nos conversations qui me rend si expansive…