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mille, et nous sommes de perpétuels absents, ce n’est pas juste… J’ai pris sur moi de lire l’Abbesse de Jouarre ; je croyais que c’était l’aventure historique de l’Abbesse, qui s’est sauvée avec un grand seigneur ; quant à ceci, je l’ai trouvé ridicule et un peu dégoûtant. C’est probablement que je suis une « personne superficielle », qui ne me rend pas compte de la « relativité des choses ». Cette séduction à coups d’arguments de morale utilitaire, l’Abbesse qui se traîne « plus chrétienne que jamais », puis qui s’enflamme pour le beau soldat qui lui a sauvé la vie (mémoire utilitaire aussi ! ». Moralité fusion de la vieille et de la jeune France, vivent les ci-devants, vive l’armée ! En somme, j’ai trouvé cela de mauvais goût…

Je t’embrasse bien fort.

Marie.


3 juin (1896).

Merci bien affectueusement, ma bonne tante. Je déballe à la seconde tes beaux livres, qui me font une bien belle collection. Vous m’avez toujours trop gâtée. J’aime le XVIIe siècle un peu comme tous les autres qui sont loin de nous, non par le temps, mais par la quantité d’idées remuées depuis leur époque. Cousin n’anime pas, mais il reconstruit à l’aide d’une érudition ahurissante. Voilà ce qu’il fallait te dire pour que tu saches tout à fait pourquoi tu m’as fait tant de plaisir.