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la triomphatrice

Denise.

Mais vous le voyez bien que ma vie est finie, que vous m’étouffez… mais qu’est-ce que je fais ici, qu’est-ce que j’espère ? d’épouser un jour un de vos habitués de médiocre importance, un monsieur d’assez mince envergure pour ne prétendre qu’à moi ?

Claude.

Dieu, l’affreuse petite fille… Denise, à cause de toi, je viens de traiter durement, cruellement mon vieil ami Flahaut. Il est capable de ne plus rien faire… Il n’a pas d’amis, pas de milieu… Il ne vivait que chez moi… c’est peut-être un talent que je viens d’assassiner…

Denise, ironie, rancune.

Ce monsieur fera comme des autres : il se passera de talent !

Claude.

Ah ! (Elle a un mouvement de rage.) Si tu ne viens pas m’embrasser à l’instant, Denise, c’est fini. Tu me feras horreur, je ne pourrai plus te voir…

Denise, en petite fille, épuisée.

Maman, maman, pardon !

Claude, l’étreint furieusement comme ferait un amant.

Oublier, oublier, Denise, oublier tout cela ! On peut être heureuse avec moi, ma chérie, je t’aimais tant… tu m’as dit des choses monstrueuses… tu aimais Fréville… Ah ! tu avais bien raison, Denise. Je te pardonne à cause de cela, c’est tout ce que tu m’as dit de bien. Et nous en trouverons un autre, ma fille, ils sont quelques-uns comme cela… Je me ferai toute petite… et puis je ne compte plus, moi… Regarde comme mes cheveux blanchissent… c’est toi ma rivale, maintenant, c’est toi qui n’aurais qu’à vouloir… Ah ! Denise, est-ce que j’ai jamais souhaité te voir épouser un crétin ? (La jeune fille est immobile, douloureuse, fermée.) Mais réponds donc, dis-moi une bonne parole, embrasse-moi ! (Sa fille l’embrasse du bout des lèvres.) Dieu ! quel