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Un de ces beaux diseurs précieux et vulgaires
Ecoutant leur parole, et ne se doutant guères
Qu’ils n’ont jamais pensé plus haut que leur journal.

« Ma première jeunesse était mésalliée,
Et j’ai dû vivre ainsi qu’une fleur repliée… —
Je crois, en vérité, que, dix-neuf fois sur vingt,
Faire choix d’un mari dans un siècle de prose,
C’est vouloir essayer d’un piètre virtuose
Dont le doigt lourd profane un instrument divin.

« Aussi facilement qu’un chapitre d’histoire,
Son image aux deux tiers s’en va de ma mémoire :
C’est une vague estompe, un pastel affaibli ;
Et je retrouve à peine au fond de ma pensée
Un relief indécis de médaille effacée,
Un profil incertain qui se perd dans l’oubli.

« Sa demeure dernière est au Père-Lachaise,
Sous le sable peigné d’un parterre à l’anglaise.
J’y fais planter des fleurs des pays inconnus.
L’hiver comme l’été son boulingrin verdoie.
Le sophora pleureur du Japon s’y déploie…
Enfin, c’est un des morts les mieux entretenus.