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Ce cher débris flottant, pour toi c’est la patrie.
Si loin d’elle, on s’attache avec idolâtrie,
Des regards et du cœur à ce dernier lambeau !

Implacable et nombreux, l’ennemi t’enveloppe. —
Tu ne reverras plus tes grands chênes d’Europe.
Ni ta fraîche rivière, et l’antique maison
Où les tiens se pressaient à la haute fenêtre
Le jour de ton départ, quand on vit disparaître
L’or de ton épaulette au bord de l’horizon.

En octobre, là-bas, quand ta chère vallée.
Au déclin des soleils, par la brume est voilée,
Quand on se réunit aux premiers feux du soir.
Voyant ta place vide au foyer qui pétille,
Quelqu’un y parlera d’un grand deuil de famille :
Trois femmes, ce jour-là, s’habilleront de noir.

La belle jeune fille à ton cœur fiancée,
Et ta mère, et ta sœur, dans la même pensée,
Ne comprendront jamais d’impossible retour.
Tu leur apparaîtras, la nuit, dans plus d’un rêve.
Les bras ouverts, sautant du canot sur la grève.
Et leur brûlant les mains de tes larmes d’amour.