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plume de coq au chapeau et la trique au poing, pour dénoncer l’esprit qui, avec un pareil éponyme, allait signaler le périodique.

Ils étaient là, au surplus, jouant de l’escopette et brûlant leur poudre aux escarmouches de l’actualité, une guérilla de gens d’esprit. Un dessin figurant une carte de visite, les aligna, dans le numéro inaugural, en grosses têtes comme des poupées de carnaval, tous les douze, Rops compris. Le rire mène à tout ; il y en eut qui devinrent fonctionnaires, chefs de banque et même procureurs du roi. Un, simplement demeura homme d’esprit jusqu’au bout, le bon Halaux de la Chronique. Un autre devait être l’homme de génie de toute une race, ce Charles De Coster qui sut si bien ressusciter l’âme joyeuse et rude des ancêtres. « Sire, répondit Ulenspiegel au roi de Bohême, flamand je suis, du beau pays de Flandre, gai compagnon, coureur d’aventures, rimeur, peintre, sculpteur, manant et noble homme, le tout ensemble. Et par le monde ainsi je me promène, louant choses belles et bonnes et me gaussant de sottise à pleine gueule ». Ce fut la légende même qui, un peu plus tard, figura en manchette sous le titre.


Rops, dès le premier moment, fut chez lui comme il l’avait été au Crocodile, comme il devait l’être partout ; il put, tant qu’il voulait, donner carrière à sa verve satirique ; il s’attesta du même coup un des maîtres de la lithographie et de la farce caricaturale. Celle-ci, sous son crayon à mesure assoupli, s’amplifia : des séries naquirent ; il s’habitua à tirer de ses sujets tout ce qu’ils comportaient. On admira que, dans cette production continue, il fût rarement inférieur à lui-même.

Sans doute il s’y attestait influencé par les grands artistes de France : la large manière d’un Daumier, ses constructions puissantes, sa couleur grasse et veloutée, aux noirs profonds, dégradés parmi les blancs réservés de la pierre, surtout particularisaient sa cuisine de peintre-dessinateur. Par ailleurs,