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ARMAND SILVESTRE.


Sous leurs ailes grandes ouvertes,
Sans les emplir, passe le vent.
Comme vous, elles sont inertes
Sur un chemin toujours mouvant.

Leur désir seul franchit l’espace
Dans son désespoir impuissant,
Et la plus illustre qui passe
Marque sa gloire avec du sang.

Maudissez les destins infâmes
Durant les soirs silencieux !
Vous êtes les sœurs de nos âmes,
Étoiles qui pleurez aux deux !


(La Chanson des Heures)



LE PÈLERINAGE




Après vingt ans d’exil, de cet exil impie
Où l’oubli de nos cœurs enchaîne seul nos pas,
Où la fragilité de nos regrets s’expie,
Après vingt ans d’exil que je ne comptais pas,

J’ai revu la maison lointaine et bien aimée
Où je rêvais, enfant, de soleils sans déclin,
Où je sentais mon âme à tous les maux fermée,
Et dont, un jour de deuil, je sortis orphelin.

J’ai revu la maison et le doux coin de terre
Où mon souvenir seul fait passer, sous mes yeux,
Mon père souriant avec un front austère
Et ma mère pensive avec un front joyeux.