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ERNEST PRAROND.


LE PARDON DE LESBIE




Parmi les sœurs des dieux et des chèvres camuses,
Les plus belles qu’au monde aient fait aimer les Muses,
Que leur nom soit Hélène, Amaryllis, Héro,
Toi qu’on dira toujours « la belle au passereau, »
Ô méchante Lesbie, aimée et diffamée,
Qu’outragea ton poète, adorable opprimée,
Tombée où tu devais, hélas ! descendre un jour,
Je te retirerai du sombre carrefour ;
Je te délivrerai des hontes de Subure ;
Ma pitié sur tes lins ira jeter la bure ;
Et l’austère manteau qui, rude, froissera
Tes poignets délicats et ta gorge, sera
Le rachat des zéphyrs de Cos que tu lacères
Et du ciel bleu mêlé dans les tissus des Sères.
Je te prodiguerai cette grande pitié
Meilleure que l’amour, égale à l’amitié,
À la miséricorde éparse, immesurée,
Divine, éther clément dans la paix azurée,
Qui pénètre le monde et l’emplit, poursuivant
Jusqu’aux gouffres déserts tout principe vivant,
Et, du brin d’herbe à l’astre égaré, l’enveloppe…
Ne la repousse pas, dirai-je à Pénélope ;
Ne vous reculez pas, mères des vieux Romains ;
Ô Lucrèce, qui mis le glaive en tant de mains,
Sois-lui facile ; et vous qui vécûtes sacrées,
Vestales, oubliez des fautes exécrées. —
Et je serai pour toi le myste auguste, ayant,
Cœur plein, tous les pardons du Monde bienveillant.