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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

M. de Latouche publia, en 1840, les poésies d’André Chénier ; mais elles ne parurent dans leur intégrité qu’en 1875, chez A. Lemerre, par les soins de M. Gabriel de Chénier, neveu du poète, et seul possesseur de ses manuscrits.

Saint-René Taillandier parle ainsi du poète :

« Le style d’André Chénier est à lui ; nourri de l’inspiration antique, il sait s’en approprier la grâce, et il l’unit avec un art incomparable aux plus charmantes qualités de l’esprit français ; élégante, souple, harmonieuse, passionnée, sa poésie est un continuel enchantement. Parmi les Idylles, il faut citer au premier rang L’aveugle, La Liberté, Le Jeune malade, Le Mendiant ; les Élégies sont pleines de mouvement et de passion ; les Épîtres brillent par un rare mélange de familiarité et de précision ; les Odes et les Iambes nous montrent le citoyen honnête et courageux ; les Poèmes enfin nous révèlent par quels côtés le poète novateur, qui semble si étranger à son siècle, était cependant pénétré de son esprit. »

André Chénier ouvrit les yeux à la lumière de notre monde sous le ciel d’Orient, aux bords de la Méditerranée. Fils d’un français, consul à Constantinople, et d’une jeune Grecque, Santi-L’Homaka, il nous apparaît comme un être prédestiné, dans le mirage de nos purs souvenirs. Il meurt jeune, comme ceux qui, d’après l’adage antique, sont aimés des Dieux… Courageux et souriant il tombe, la veille du 9 Thermidor… Et les femmes l’ont pleuré… Et d’accord, pour une fois, l’Histoire et la Légende l’ont pieusement enseveli dans les fleurs.

Par une étrange loi des contrastes, c’est aux époques troublées que les poètes idylliques ont surtout bien chanté : Virgile au temps des Triumvirs, André Chénier, dans la tourmente du siècle dernier. Sur les rives du Mincio comme aux bords de la Seine, les deux maîtres divins, tout pénétrés du pur esprit de la grâce antique, nous ont charmé l’oreille et le cœur de leurs plus fraîches pastorales.

André Lemoyne.


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