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Mais, être ainsi tout feu, tout flamme,
À cet âge, était anormal,
La dame, une nuit, rendit l’âme
Pour avoir trop aimé le bal.

Le brave époux versa des larmes,
Mais, le jour de l’enterrement,
Il poussa, malgré ses alarmes,
Un soupir de soulagement.

Par malheur, le convoi classique,
Devant le dancing, s’arrêta…
Quand elle entendit la musique,
La défunte ressuscita,

Fit la nique au Père-Lachaise
Et dansa, même, un nouveau pas.
Le pseudo-veuf en fut-il aise ?
Ça, l’histoire ne le dit pas.

De rechef, la ressuscitée,
De danser, point ne se priva,
Et, nuit et jour, fut agitée
Par le fox-trot et la java.

Mais vous connaissez le proverbe
Qui dit : « Tant va la cruche à l’eau… »
En dépit d’un allant superbe,
Elle succomba de nouveau.

À l’ordonnateur, à voix basse,
En lui serrant très fort la main,
Cette fois, le veuf dit : « De grâce,
Prenez par un autre chemin,

Monsieur, l’évidence est palpable,
Changez de route sans tarder,
Car le jazz-band serait capable
De me la re-ressusciter ! ».



Eugène LEMERCIER.



S. E. M. F. A. 613