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les médaillons

Je ne sais : je connais mal les hommes mes frères.
Tu peignis, j’y consens, d’un trait impartial
Ton pandémonium des terrestres misères ;
Je crois en ta justice, ô railleur infernal.

Et même, en ces tableaux gouailleurs et funèbres,
Parfois, je crois sentir un courroux généreux
Contre le laid, le faux, le mal et les ténèbres,
Contre tout ce qui fait les hommes malheureux.

Mais souvent on dirait que, témoin sans franchise,
Scrutant cet univers de ton œil dur et fin,
Tu ne voulus y voir que honte et que sottise
Pour t’arroger le droit de le railler sans fin.

Quoi ! pas un mouvement du cœur ! pas une larme !
Ce rire qui fait mal, est-ce donc qu’il te plaît ?
L’ironie éternelle a-t-elle tant de charme ?
Es-tu donc si content que ce monde soit laid ?

Heureux qui sur le mal se penche, et souffre, et pleure !
Car la compassion refleurit en vertus ;
Et sur l’humanité, pour la rendre meilleure,
Nos pleurs n’ont qu’à tomber, n’étant jamais perdus.