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ils s’adressent à des lecteurs qui ont moins besoin que nous d’être amusés. Les longues et grises conversations d’Ibsen, ses infatigables accumulations de détails familiers, d’abord nous accablent, mais peu à peu nous enveloppent. Cela finit par former, autour de chacun de ses drames, une atmosphère qui lui est propre, et dont l’air de vérité des personnages est augmenté. Nous les voyons vivre d’une vie lente et profonde. Ils sont très sérieux. Ils offrent cette particularité, que les incidents de leur vie les remuent jusqu’au fond de l’âme et nous révèlent ce fond ; que leurs drames de foyer se tournent tous en drames de conscience, où toute leur vie spirituelle est intéressée. Là, une femme qui s’aperçoit que son mari ne la comprend pas ou que son fils est atteint d’une maladie incurable se demande instantanément si Martin Luther n’a pas été trop timide, si c’est le paganisme ou le christianisme qui a raison, et si toutes nos lois ne reposent pas sur l’hypocrisie et le mensonge. Peut-être l’auteur oublie-t-il trop que ces questions, passionnantes quand on les voit débattre par un grand philosophe ou par un grand poète, ne peuvent recevoir, d’une petite bourgeoise ou d’un honnête clergyman qu’une solution médiocre ; et peut-être nous surfait-il l’inquiétude métaphysique de l’humanité moyenne et son aptitude à philosopher. Toutefois, comme c’est, en réalité, sa propre pensée qu’il nous traduit, on y peut prendre un vif intérêt.