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Elle réveillerait des morts, cette musique. Comme ces rythmes tantôt sautillants, tantôt furieux, avaient l’air d’être faits pour communiquer une trépidation morale aussi bien que physique à tout ce public de désaccordés, pour qui la vie n’était qu’une manière de danse macabre ! Au premier coup d’archet qui sur la scène mettait en branle les dieux de l’Olympe et des Enfers, il semblait que la foule fût secouée d’un grand choc et que le siècle tout entier, gouvernements, institutions, mœurs et lois, tournât dans une prodigieuse et universelle sarabande.

Les pages de cette vivacité et de ce mouvement ne sont point rares chez M. Sarcey : il m’a paru qu’il n’était que juste de le rappeler. Je suis d’ailleurs persuadé qu’on trouverait dans ses feuilletons épars et trop nombreux quelque chose comme la Poétique expérimentale d’Aristote, reprise, élargie, appuyée sur une masse énorme d’œuvres dramatiques, sur tout ce qui a été écrit pour le théâtre. Cela vaudrait certes la peine d’être réuni en un corps, condensé, ordonné et complété ; car M. Sarcey a, sur ces matières, précisé et jeté dans la circulation une foule d’idées dont beaucoup de critiques se servent sans le dire, et même ceux qui les combattent. Que M. Sarcey se décide enfin à nous donner ce livre qu’il nous doit et qu’il nous a promis : autrement, les méchants diront qu’il doute de la bonté de son œuvre critique, et cela me peinera, car je la sens bonne et solide comme son auteur.