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Un homme, c’est ce qu’il nous faut. Comme nous, il est enfant de la femme ; comme nous, il est pétri d’un limon abject ; comme nous, il a senti l’aiguillon des convoitises ; comme nous, il a lutté contre des penchants maudits ; comme nous, peut-être, il est tombé. Sa vie a des échos dans notre vie ; à la peinture de nos misères il reconnaît sa propre misère. Il ne peut vouloir être sévère sans qu’aussitôt mille voix crient dans son cœur : « Pitié ! pitié ! » sans que le poids douloureux de sa nature l’incline vers la miséricorde.

L’incrédulité reprend : « Nous confesser à un homme ! Faire de notre vie la pâture de sa curiosité ! Livrer nos plus redoutables secrets à la merci de ses indiscrétions, c’est impossible ! » Écoutez la réponse du Père Monsabré : vous y sentirez, au commencement, de la bonne grâce et de la bonhomie, puis de la générosité et de la grandeur. Ç’a été le bel endroit du discours, le moment du « frisson ».

Messieurs, les braves gens gui raisonnent ainsi oublient une chose qu’il est important de savoir : c’est que cette vie intime, ces redoutables secrets dont ils font tant de cas, sont, pour le prêtre qui en doit prendre connaissance, à leur centième, à leur millième et peut-être à leur dix millième édition, et qu’ainsi ils deviennent non plus la pâture de sa curiosité, mais d’une héroïque patience. Je voudrais pouvoir offrir à ceux qui redoutent la curiosité du prêtre dix ou douze heures de confessionnal : j’espère qu’au bout de ce temps il me demanderaient grâce et reconnaîtraient qu’il faut un sentiment moins trivial que la curiosité pour retenir le prêtre enchaîné aux fastidieuses redites de la conscience humaine.