Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/366

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il oublie, dis-je, ce qu’il eut de meilleur ; et voici comme il se peint.

Après avoir exprimé son « dégoût des hommes », il en cherche la cause. « Elle n’est autre, dit-il, que cet indomptable esprit de liberté que rien n’a vaincu » (car, naturellement, il donne aux choses de favorables noms). Il continue en disant que « personne au monde ne le connaît que lui seul ». Il assure connaître ses défauts et ses vices, mais il ajoute aussitôt : « Avec tout cela, je suis très persuadé que, de tous les hommes que j’ai connus en ma vie, aucun ne fut meilleur que moi. »

Il se définit lui-même « une âme paresseuse qui s’effraie de tout soin, un tempérament ardent, bilieux, facile à s’affecter, et sensible à l’excès à tout ce qui l’affecte ». Il proclame son mépris absolu de l’opinion. (Or l’« opinion », comme il l’entend, peut être le sentiment des sots, mais peut être aussi la plus respectable et la plus nécessaire des traditions.) Il écrit fièrement : « Je hais les grands », lui qui a si longtemps paru ne pouvoir se passer d’eux. — Son plus grand plaisir, c’est de rêver. Il raconte les orgies silencieuses de sa sensibilité et de son imagination à travers les bois de Montmorency :

Et cependant, dit-il, au milieu de tout cela, le néant de mes chimères venait quelquefois me contrister tout à coup. Quand tous mes rêves se seraient tournés