Page:Lemaître - Jean-Jacques Rousseau, 1905.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée

femelle à demeure, et que, lorsque ses petits peuvent trouver eux-mêmes leur nourriture, il les laisse aller de leur côté. — Rousseau reprend et redouble :

Si la nature nous a destinés à être sains, j’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature et que l’homme qui médite est un animal dépravé.

Voilà une phrase qu’il a dû écrire avec délices, pour ennuyer les philosophes et pour étonner les belles dames. Elle n’est d’ailleurs qu’impertinente et n’a pas grand sens, si, d’une part, on ne voit pas en quoi la réflexion et ce qui en découle empêche nécessairement l’homme d’être en santé ; si, d’autre part, l’homme ne peut pas plus s’empêcher de réfléchir que de manger et de boire, et si l’exercice de son esprit lui est apparemment aussi naturel que l’exercice de ses membres. — Mais Jean-Jacques est lancé : il va, il va ! Il affirme que toute invention est au moins inutile :

Il est clair, que le premier qui se fit des habits ou un logement se donna en cela des choses peu nécessaires, puisqu’il s’en était passé jusqu’alors, et qu’on ne voit pas pourquoi il n’eût pu supporter, homme fait, un genre de vie qu’il supportait dès son enfance.

Donc, l’immobilité intellectuelle serait le souverain bien. — Rousseau reconnaît qu’une qualité distingue l’homme de l’animal : la faculté de se perfectionner. Mais, si elle « distingue » l’homme de l’animal, c’est donc qu’elle est « na-