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qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères… Puis, qu’un seul te dise, s’il l’ose : je fus meilleur que cet homme-là. » Mais cela est une bravade ; puis cela revient à dire, en somme, que les autres ne valent pas mieux que lui. Et enfin, je ne sais pourquoi, c’est une vanité moins choquante de se vanter de son cœur que de se vanter de son intelligence, et de dire : je suis bon, que de dire : j’ai du génie.

Mais Chateaubriand ne cesse de nous rappeler, à propos de tout et sous toutes les formes, qu’il a du génie ; qu’il a renouvelé la littérature ; qu’il a inventé une langue politique ; qu’il a été plus fort que Canning et Metternich ; qu’il a fait de grandes choses, qu’il en eût fait de plus grandes encore si on ne l’en eût empêché ; qu’il a créé des figures immortelles et inoubliables ; que tout le monde l’a imité ; qu’il a, à lui seul, restauré la religion ; qu’il a eu une vie extraordinaire et inimaginable ; qu’il a foulé les quatre continents et visité l’univers ; qu’il a rempli de grandes places et qu’il a été ministre et ambassadeur ; que tout ce qui lui arrive n’arrive qu’à lui ; qu’il a senti ce que personne n’avait jamais senti, pensé ce que personne n’avait jamais pensé ; qu’il a été partout sublime de dédain, de générosité, de désintéressement ; que, pouvant tout posséder, il a tout méprisé ; qu’il a toujours été fort au-dessus des croyances qu’il paraissait avoir et qu’il défendait ; qu’