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Martyrs, — chose non prévue par l’auteur, — nous charment dans la mesure où ils sont pénétrés de paganisme, et par conséquent dans la mesure où ils prouvent le contraire de ce qu’ils prétendaient prouver.

L’auteur lui-même a dû le reconnaître. En 1839, instruit par trente années, il écrit dans ses Mémoires : « Le défaut des Martyrs tient au merveilleux direct, que, dans le reste de mes préjugés classiques, j’avais mal à propos employé. Effrayé de mes innovations, il m’avait paru impossible de me passer d’un enfer et d’un ciel ( !). Les bons et les mauvais anges suffisaient cependant à la conduite de l’action, sans la livrer à des machines usées. » Non seulement ils « suffisaient » à la conduite de l’action, mais ils y étaient inutiles. « Effrayé de mes innovations », on se demande lesquelles. Mais il a raison de conclure : « Si la bataille des Francs, si Velléda, si Jérôme, Augustin, Eudore, Cymodocée » (avant leur conversion) ; « si la description de Naples et de la Grèce n’obtiennent pas grâce pour les Martyrs, ce ne sont pas l’enfer et le ciel qui les sauveront. »

(J’ajoute : Ce ne sont pas non plus les bons ni les mauvais anges, ni tous les ressouvenirs du genre pseudo-épique, et, par exemple, les innombrables comparaisons, si ingénieuses parfois, et presque toujours si artificielles. Il y en a même de désobligeantes : « Comme un taureau qu’on arrache aux honneurs du pâturage pour le séparer de la génisse