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avait conçue dans le malheur… et elle me mit au monde avec de grands déchirements d’entrailles ; on désespéra de ma vie. Pour sauver mes jours, ma mère fit un vœu, elle promit à la reine des anges que je lui consacrerais ma virginité si j’échappais à la mort. » Et plus tard, lorsque Atala eut seize ans, sa mère lui dit avant de mourir : « Songe que je me suis engagée pour toi, et que, si tu ne tiens pas ma promesse, ce sera moins toi qui seras punie que ta mère, dont tu plongeras l’âme dans les tourments éternels. » Et Atala s’est donc empoisonnée, craignant de manquer à son vœu et, par là, de damner sa mère. Le Père Aubry lui apprend qu’elle pouvait être relevée de son vœu : mais il n’est plus temps ; elle va mourir. Le Père Aubry la console, et calme le désespoir de Chactas par de magnifiques discours. Elle meurt ; vous connaissez le récit de ses funérailles.

Voilà l’histoire. Elle devait trouver place, vous vous le rappelez, dans la quatrième partie du Génie du christianisme. Mais, à vrai dire, elle ne serait pas autrement chrétienne sans les discours du Père Aubry. Le christianisme d’Atala n’est qu’une sorte de fétichisme. Si les deux amants ne rencontraient pas le vieux missionnaire, si Atala cédait pendant l’orage, et si elle mourait ensuite dans la forêt (désespérée et ravie d’avoir manqué à son vœu), l’histoire d’Atala pourrait finir comme celle de Manon Lescaut. (Oh ! cette mort et cet enterrement de Manon, rappelez-vous ! La sublime chose ! et