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LE COUVRE-FEU.

Chacun semble du sort un monstre improvisé,
Par la terre en courant au hasard déposé.
Mais de ces monuments, sourds aveux d’une autre ère,
Peu de monde s’occupe à percer le mystère,
Et, gardiens d’un secret curieux à sonder,
On passe à côté d’eux sans leur rien demander.

Vous rencontrez pourtant le même phénomène
Aux champs, féconds ou non, de la pensée humaine.
Quand, pour se mieux connaître et juger son niveau,
L’homme, en observateur, entre dans son cerveau,
Il s’étonne parfois d’y trouver des idées,
Qui, sans qu’il le comprenne, y sont presque soudées.
Pourquoi sont-elles là ? Qu’y font-elles ? Comment
S’expliquer leur présence et leur isolement ?
Chacune sur son sol, reine dépaysée,
N’est qu’un anneau terni d’une chaîne brisée,
Un de ces blocs errants, d’un autre monde issu,
Échoué dans l’esprit qui ne l’a pas conçu.

Oui, lorsque de son âme entr’ouvrant les abîmes,
On en tâte des yeux les profondeurs sublimes,