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LE COUVRE-FEU.

Et l’air ressuscité s’encombre de dragons,
Dont le vol fait crier le monde sur ses gonds.
Autour de ton néant je vois, comme un mirage,
Des continents proscrits bouillonner le naufrage,
Et des mers d’autrefois ranimant les complots,
Je te vois, dans ta fosse installé par les flots,
Des siècles décédés confident oculaire,
Nous garder, de leur fin, ta mort pour exemplaire.

Écho pétrifié des temps qui sont perdus,
Tes oracles muets, dans mon âme entendus,
Refont tout le passé dépouille par dépouille.
Fleur antique, salut ! chrysalide de houille,
D’où s’envole, à mes yeux, un vivant univers.
Pour qui l’y veut chercher, quelle moisson de vers
Rayonne sous la nuit de tes mornes pétales,
Genèse où le déluge a scellé ses annales,
Et qu’à livre fermé comprennent nos esprits !
Poëme plus confus que ces vieux manuscrits,
Que rangeait Pompeïa dans ses cases de poudre,
Et qui dorment sans voix calcinés par la foudre,
Ton silence éloquent me parle plus haut qu’eux.
Tout ce qu’on peut glaner sous leurs plis ténébreux,