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LIVRE TROISIÈME.

Obscur comme la tombe, et plus impénétrable,
Sphinx jadis éphémère, aujourd’hui si durable,
Voyageur engourdi, qui reviens de si loin,
Que sais-tu de la terre ? Avait-elle un témoin,
Quand, la couronne au front, de ta couche élancée,
La lumière sauva ta royauté passée ?
Né comme toi des pleurs ou des baisers du jour,
Le vol des papillons t’a-t-il parlé d’amour ?
Oasis de parfums, dans les déserts flottante,
À quel sylphe nomade as-tu servi de tente ?
Quelle ombre a rafraîchi ton germe ? quel oiseau
Vint, pour te saluer, chanter sur ton berceau ?
Avant d’y promener sa force vagabonde,
L’homme avait-il déjà des vassaux dans ce monde ;
Ou, du globe encor vide astre silencieux,
N’as-tu de ta splendeur étonné que les cieux ?

Quand j’interroge ainsi ton spectre avec mon rêve,
Je ne sais quel brouillard de ta cendre s’élève,
Où, comme des vaisseaux, glissent, appareillés,
Des jours évanouis les trésors réveillés.
Des monstres primitifs la race qui s’exhume,
Repeuple devant moi cet océan de brume,