Le navire, battu par la mer qu’il outrage,
Se courbe, en bondissant, sous le joug de l’orage,
Sur la crête des flots s’élance humilié ;
Et la Mort avec lui, Spectre multiplié,
Pose sur chacun d’eux un pied infatigable.
Moi qui trouvais la vie un bien insupportable,
Prêt à perdre ses maux, je commence à l’aimer.
Les tableaux du bonheur, que j’aurais pu former,
Viennent tous de mon âme assiéger la mémoire.
Expirer inconnu, quand on chérit la gloire ;
Mourir sans se défendre, et sans qu’un seul coup d’œil
Vienne sur nos dangers chatouiller notre orgueil ;
N’avoir aucun écho dans aucune parole ;
Ne pas voir d’un ami la douleur qui console,
Quand on sent malgré soi le besoin des adieux ;
assister à sa mort soi seul devant les yeux !
C’est bien plus que mourir, c’est vivre à l’agonie.
Occupé cependant d’amour et de génie,
Je ne calculais pas que je perdais le jour ;
Je perdais seulement le génie et l’amour,
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