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nuit pleine de gaieté, Mme Doche une pensée on ne peut plus gracieuse. Bref, tout s’explique : Julie aime toujours Stéphen, elle est veuve, il n’est plus fou, ils se marient et la toile tombe. Cette donnée pouvait être fort heureuse, mais la pièce est assez mal venue. Ce demi-fantastique et cette réalité qui l’absorbe déplaisent à la longue. On m’objectera que Stéphen n’ayant pas son bon sens, le public est prié d’y remédier ; mais auteurs et critiques ont tellement pris l’habitude de ne compter le public que pour fort peu de chose, que celui-ci s’efface volontiers. Y a-t-il un public qui juge ? Et cette foule quelconque, destinée à remplir les banquettes, entre-t-elle pour un iota dans tout ceci ? Ce n’est plus même une question.

Le Gymnase a presque ri la semaine dernière, et le Palais-Royal a failli céder aux douceurs du sommeil à l’heure où le gaz s’allume. Ces deux théâtres ont chacun une spécialité. Le premier exploite la vertu larmoyante, le second la farce grivoise ; tous deux vivent des niaiseries de ce piètre monde. Celui-là s’avise, par un touchant anachronisme, de faire débiter à Marie Stuart quelques bribes de Lhomond ; celui-ci bossue l’épaule de Grassot ; et par une bizarrerie inexplicable, l’érudition de l’une a fort réjoui ceux qu’a fort attristés la bosse de l’autre. Je n’hésite pas à proclamer les Quatre Reines un chef-d’œuvre d’invention. MM. Paulin et Laurencin sont de remarquables historiens ad inveniendum et non ad narrandum. Il était impossible de parodier plus spirituellement cette pauvre Catherine de Médicis, tant calomniée. Le coup suprême lui a été porté, jeudi, vers les neuf heures du soir, sur le théâtre Bonne-Nouvelle.