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vue, il fut frappé brusquement au cœur et percé des flèches imprévues de Kypris, qui, seule, peut dompter Zeus. Cependant, afin d’éviter la colère de la jalouse Hèrè, et voulant abuser le jeune esprit de la vierge, il cacha sa divinité, se transforma et devint taureau, non semblable à celui qui est nourri dans les étables, ni à celui qui creuse le sillon en traînant le soc recourbé, ni à celui qui paît parmi les troupeaux, ou qui, dompté, traîne la lourde charrue ; mais ayant le corps de couleur fauve, un cercle d’argent étincelant au milieu du front, des yeux d’un bleu clair et flamboyants de désir, et deux cornes égales se recourbant sur sa tête comme une moitié de l’orbe de Sélana.

Et il vint dans la prairie, et sa vue n’effraya point les vierges, et il leur fut permis à toutes d’approcher et de toucher ce beau taureau, dont l’odeur divine s’exhalait au loin et l’emportait sur la douce haleine de la prairie. Et, s’arrêtant aux pieds de l’irréprochable Eurôpéia, il lui lécha le cou et caressa doucement la jeune vierge ; et elle le caressait aussi, essuyait de ses mains l’abondante écume de sa bouche, et le baisait. Et il mugissait doucement, et on eût dit entendre le son charmant d’une flûte mygdonienne. Puis, il courba les genoux en regardant Eurôpéia, et il lui ofïrit son large dos. Alors, elle dit aux vierges chevelues :

— Venez, chères compagnes. Réjouissons-nous en nous asseyant sur ce taureau, car, certes, il nous recevra toutes sur son dos, comme une nef. Il a l’aspect doux et caressant ; il n’est point semblable aux autres taureaux ; il semble être doué de l’esprit d’un homme, et la parole seule lui manque.

Elle parla ainsi et s’assit en riant sur son dos. Et ses compagnes s’apprêtaient aussi à monter ; mais, brusque-