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Mais il s’est ainsi tellement identifié avec elle qu’il a fini par s’assimiler mentalement à son propre principe et par croire qu’il faisait partie de son éternité tangible.

Il ne se contente pas de la conception vague et abstraite de l’immortalité de l’âme ; il veut, après la mort, toutes les formes possibles à cette âme dégagée de la matière qui l’a contenue ici-bas, et il déclare devoir être encore dans ce qui est toujours, avec les sensations successives et progressives de l’être jusqu’à sa fusion totale en Dieu. Allez donc faire croire à un cerveau par lequel le ciel, la terre, les mondes, ont passé pendant soixante-dix ans, qu’il n’est pas contenu dans l’éternité des choses et que toutes choses ne sont pas contenues en lui ! Et, comme si l’antithèse devait suivre Victor Hugo jusque dans la mort, il trouve en vous, Monsieur, qui lui succédez, le système absolument contraire au sien ; et voilà que vous avez hâte de disparaître dans le grand Rien, tandis qu’il se trouvait si bien dans la vie où il attendait glorieusement le moment de s’en aller dans le grand Tout. Qui de vous deux a raison ? Il y aura longtemps que nous n’affirmerons plus rien ni les uns ni les autres que l’on en discutera encore en ce monde. Lui, sait déjà peut-être à quoi s’en tenir ? Pourquoi ne peut-il pas nous le dire dans sa langue merveilleuse, parfois un peu obscure quand elle n’était qu’humaine et qu’il voulait tout expliquer, mais qui resplendirait aujourd’hui de la lumière éternelle dans laquelle, selon ses