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humain. Le temps ne fera pas plus d’exception pour celle-là que pour les autres ; il respectera et affermira ce qui sera solide ; il réduira en poussière ce qui ne le sera pas. Tout ce qui est beau restera aussi beau que quoique ce soit ; tout ce qui est de pure sonorité s’évanouira dans l’air. Ce qui est fait par le bruit est fait pour le vent. Mais il ne m’appartient pas de préparer ici le travail de la postérité. Il n’y a d’ailleurs à l’influencer ni pour ni contre ; elle sait son métier de postérité ; elle a le sens mystérieux et implacable des conclusions infaillibles et définitives. J’entends dire que beaucoup de pierres tomberont de cet édifice énorme que quelques-unes tremblent déjà parmi celles qu’on croyait le mieux fixées. C’est possible ; c’est vrai. Mais cet édifice qui tient du temple grec, de la pagode, de la mosquée, du château féodal ; de la cathédrale gothique, du bazar d’Orient, du palais de la Renaissance, autour duquel sont venues se grouper des chaumières de paysans, des maisons d’ouvriers, des masures de pauvres, cet édifice est si grandiose, si pittoresque, si bizarre, il se découpe sur le ciel de l’art en masse si puissante ; il a des cryptes si vastes où le vent fait des bruits si étranges ; il a des murailles si hautes, flanquées de tours si imposantes, des colonnes d’un marbre si pur, des arcades si nombreuses, d’un entrecroisement si imprévu, des frises d’une ciselure si fine, des flèches si légères, si dentelées où tant d’oiseaux font leurs nids ; le bourdon de son énorme beffroi qui sonne l’Angelus ou le tocsin, le glas de la mort ou le carillon de la fête, est fait d’un métal si noble,