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part ? Elle l’avait créé pour chanter, partout, sans entrave, quand même, tout ce qui peut être chanté. Il n’a pas été seulement un poète, il a été le poète, celui qu’un invisible Dieu possède, domine et torture ; il a été l’instrument sinon le plus mélodieux, du moins le plus sonore qui ait jamais vibré aux quatre vents de l’esprit. Quand on pense que, de seize à dix-huit ans, ce collégien faisait, entre deux devoirs, ces odes admirables de Moise sur le des Vierges de Verdun, de la Vendée, de la Statue de Henri IV, de la mort du duc de Berry, et qu’il a continué ainsi pendant près de soixante-dix ans, amoncelant poèmes sur poèmes, drames sur drames, romans sur romans, que tout ce qui est du passé, du présent, de I’avenir, de l’invisible, de l’infini et même de l’inconnu a traversé, en images incessantes, ce cerveau énorme, toujours en mouvement, toujours en ébullition, qu’il nous envoie encore sa pensée du fond de sa tombe lumineuse, quel droit aurions-nous de lui demander autre chose que ce qu’il avait reçu de Dieu mission de faire ici-bas ? Cette mission l’a-t-il accomplie ?Voilà toute la question. Il l’a accomplie, évidemment. Quand il nous dit :

« Mon sillon le voici, ma gerbe la voilà, qu’avons-nous donc à répondre si ce n’est de le remercier d’avoir tracé ce sillon et de nous avoir donné cette gerbe ? Fait pour recevoir des impressions et pour