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leur apprendrez à la fois l’habile et sage construction du vers, la mesure, la proportion et tous les scrupules d’un goût raffiné, le discernement dans le rejet et la césure irrégulière qui, selon moi, est toujours signe d’impuissance ou de prétention. Vous vous êtes permis quelquefois cette césure irrégulière ; prenez garde ; on vous en abusera. N’ayez pas ce reproche à vous faire, car nul ne possède, à un plus haut degré que vous, le sens de la beauté du mot par lui-même, sans l’assistance de la comparaison ; votre vers est plein, sans être jamais lourd, et le choix toujours heureux du rythme lui donne en même temps que la majesté, la grâce et la souplesse de ces belles filles grecques, nées, sans le savoir, pour inspirer des statues.

Pardonnez-moi, Monsieur, si je me permets de traiter une matière où vous êtes passé maître ; mais c’est votre faute. Vous m’avez laissé à dire trop de choses que vous auriez dites beaucoup mieux que moi, et mon discours va paraître, parait déjà trop long de tout ce que vous avez écarté du vôtre. Je ne compte, pour me faire absoudre, que sur mon incompétence. S’il faut tout dire, ce doit être cette incompétence même qui m’a valu, de la part de l’Académie, l’honneur de vous recevoir en son nom et de prendre ma part de ce que vous appelez si justement la redoutable tâche de parler de Victor Hugo. Elle y aura vu comme une garantie de plus de la bonne foi et de l’exactitude qu’elle exige. Et puis, elle s’est souvenue que, si je ne suis pas de la