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possible, à toutes les philosophies passées, présentes et futures :

Ah ! Pauvres insensés, misérables cervelles,
Qui de tant de façons avez tout expliqué,
Pour aller jusqu’aux cieux il vous fallait des ailes,
Vous aviez le désir, la foi vous a manqué.
Je vous plains ; votre orgueil part d’une âme blessée,
Vous sentiez les tourments dont mon cœur est rempli,
Et vous la connaissiez cette amère pensée
Qui fait frissonner l’homme en voyant l’infini.
Eh bien, prions ensemble, abjurons la misère
De vos calculs d’enfants, de tant de vains travaux ;
Maintenant que vos corps sont réduits en poussière,
J’irai m’agenouiller, pour vous, sur vos tombeaux.
Venez, rhéteurs païens, maîtres de la science,
Chrétiens des temps passés et rêveurs d’aujourd’hui ;
Croyez-moi, la prière est un cri d’espérance !
Pour que Dieu nous réponde, adressons-nous à lui.
Il est juste, il est bon ! sans doute il vous pardonne.
Tous vous avez souffert ; le reste est oublié !
Si le ciel est désert nous n’offensons personne,
Si quelqu’un nous entend qu’il nous prenne en pitié.

Vive Dieu ! c’est le cas de le dire, voilà de beaux vers, Monsieur, et je n’en sais pas de plus beaux dans notre langue, bien que j’en sache beaucoup. Si vous mettez à côté des trois pièces que je viens de citer le Lac de Lamartine, la Tristesse d’Olympio de Victor Hugo, le Souvenir ou une des Nuits, celle que vous voudrez de Musset, vous aurez avec les chœurs d’Athalie, d’Esther et de Polyeucte, avec l’admirable traduction en vers de l’Imitation par Corneille, vous aurez à peu près le dernier mot de notre poésie d’amour terrestre et divin. C’est cela que vous venez combattre ; c’est cela que vous voulez ren-