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moins devoir se mettre pieusement au service de la révélation affirmée divine. Dieu eut, comme les Dieux, ses Phidias et ses Lysippe, ses Apelle et ses Zeuxis dans les Donatello et les Michel-Ange, dans les Léonard et les Raphaël, et la musique naquit, comme pour réunir en une seule toutes les voix de la création à la louange du Créateur récemment dévoilé ; enfin la poésie elle-même, abdiquant sa souveraineté directe sur les esprits, se fit la vassale et mena le Chœur de la bonne nouvelle.


Sous le souffle du Dieu de Moïse et de Jésus, elle inspira la Divine Comédie à Dante, la Messiade à Klopstock, Polyeucte à Corneille, Athalie à Racine, le Paradis perdu à Milton, Faust à Goethe, si bien que lorsque vous êtes venu en France, tout pénétré des poésies orientale et grecque, aux sources desquelles vous vouliez nous ramener, vous vous êtes trouvé en face de poètes chrétiens, dernier reflet de ce que vous appelez la religiosité factice et sensuelle de Chateaubriand.

Lamartine, Hugo, Musset étaient chez nous les chantres de cette poésie spiritualiste. Lamartine disait :

O Père qu’adore mon père,
Toi qu’on ne nomme qu’à genoux ;
Toi dont le nom terrible et doux
Fait courber le front de ma mère ;

On dit que ce brillant soleil
N’est qu’un jouet de ta puissance,
Que sous tes pieds, il se balance
Comme une lampe de vermeil.