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tropical. C’est pendant ces courses que vous avez vu

A travers les massifs des pâles oliviers,
L’archer resplendissant darder ses belles flèches,
Qui, par endroits, plongeant au fond des sources fraîches,
Brisent leurs pointes d’or contre les durs graviers.


Et vous gravissiez la montagne, jusqu’à ce que vous eussiez atteint le point où se trouve

Un lieu sauvage au rêve hospitalier
Qui, dès le premier Jour, n’a connu que peu d’hôtes ;
Le bruit n’y monte pas de la mer sur les côtes,
Ni la rumeur de l’homme ; on y peut oublier.
Parfois, hors des fourrés, les oreilles ouvertes,
L’œil au guet, le col droit et la rosée au flanc,
Un cabri voyageur, en quelques bonds alertes,
Vient boire pieds posés sur un caillou tremblant.


Vous n’étiez pas seulement un marcheur infatigable, vous étiez un nageur intrépide, et après avoir été contempler l’aigle

Qui dort dans l’air glacé les ailes toutes grandes,


vous redescendiez défier dans l’immensité de la mer le requin si fréquent dans vos parages :

Il ne sait que la chair qu’on broie et qu’on dépèce,
Et, toujours absorbe dans son désir sanglant,
Au fond des masses d’eau lourdes d’une ombre épaisse,
Il laisse errer un œil terne, impassible et lent.


Ainsi se fortifiaient votre énergie et votre volonté.

Puis l’ange à l’épée flamboyante, l’ange injuste des nécessités matérielles vous a pour jamais chassé