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et vos contemporains ; c’étaient les Grecs et les Indous, L’état civil et la présence réelle ne prouvent rien dans les affaires de l’esprit. Il y a l’influence des origines, des hérédités, des lieux et des milieux. Or, vous avez vu le jour en plein Océan indien, dans cette île enchantée de la Réunion, Afrique d’un côté, Asie de l’autre, qui doit apparaître à ceux qui passent au large comme un immense bouquet de fleurs, nées peut-être de celles que cueillait Proserpine quand Pluton s’est mis à la poursuivre et qu’elle a jetées dans les flots pour alléger sa fuite inutile. Vous êtes né le 22 octobre 1818, à Saint-Paul, d’un père Breton et d’une mère Gasconne ; et, qui le croirait ! quand on vous lit, petit neveu de Parny, le Scarron de la guerre des Dieux et le Tibulle d’Éléonore :

Enfin ma chère Eléonore
Tu l’as connu ce péché...


Rassurez-vous, je m’en tiendrai là de ces vers qui ont dû si souvent vous faire rougir comme poète, même comme neveu, et qui n’ont peut-être pas peu contribué à la sévérité de vos jugements sur les poètes de l’amour. Vous avez été élevé par un père, grand admirateur de Rousseau, qui a essayé sur vous les théories d’Émile avec la persévérance d’un Breton. la règle paternelle était quelquefois dure, la soumission pénible. Heureusement, la grande nature était là. Vous vous dédommagiez par de longues courses solitaires sous votre soleil