Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 20 —

De telles œuvres, Messieurs, toujours lues et toujours admirées, quelque permises que soient certaines réserves respectueuses, consolent, s’il est possible, de l’épidémie qui sévit de nos jours sur une portion de notre littérature et contamine les dernières années d’un siècle qui s’ouvrait avec tant d’éclat et proclamait si ardemment son amour du beau ; alors que d’illustres poètes, d’éloquents et profonds romanciers, de puissants auteurs dramatiques, auxquels je ne saurais oublier de rendre l’hommage qui leur est dû, secondaient l’activité glorieuse de Victor Hugo. Mais si le dédain de l’imagination et de l’idéal s’installe impudemment dans beaucoup d’esprits obstrués de théories grossières et malsaines, la sève intellectuelle n’est pas épuisée sans doute ; bien des œuvres contemporaines, hautes et fortes, le prouvent. Le public lettré ne tardera pas à rejeter avec mépris ce qu’il acclame aujourd’hui dans son aveugle engouement. Les épidémies de cette nature passent et le génie demeure.

Victor Hugo ne nous a pas seulement laissé le travail prodigieux offert de son vivant à notre admiration. Le déroulement des chefs-d’œuvre posthumes transforme cette admiration en une sorte d’effroi sacré, en face d’une telle puissance de création. On dirait qu’il veut nous donner la preuve de l’immortalité toujours féconde de son génie au delà de ce monde, comme il aimait à l’affirmer d’après la conviction philosophique qu’il s’était faite. Car toute vraie et haute poésie contient en effet une philoso-