Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 17 —

Hugo, mais on peut l’égaler. » Et il l’a prouvé.

J’ai dit, Messieurs, que ses romans étaient aussi des poèmes ; et, en effet, si la magie du vers leur manque, l’ampleur de la composition, la richesse d’une langue originale, énergique et brillante, la création des types plutôt que l’analyse des caractères individuels, leur donnent droit à ce titre. Il était, du reste, impossible que Victor Hugo cessât un moment d’être poète, l’eût-il voulu. Ne sont-ce pas deux épopées que Notre-Dame de Paris et les Misérables, l’une plus régulièrement composée, plus condensée ; l’autre, touffue, complexe, excessive, entrecoupée d’admirables épisodes ? Notre-Dame de Paris, injustement critiquée par Goethe, restera une vivante reconstruction archéologique et historique, telle que Victor Hugo l’a conçue et voulue, et quelles que soient les différentes façons de concevoir et de reproduire, dans une invention romanesque, les mœurs, les caractères, la vie des hommes du XVe siècle, au moment de leur histoire choisi par l’auteur. Peut-on oublier désormais tant de pages éclatantes, tant de scènes terribles ou touchantes, tant de figures à jamais vivantes, Claude Frollo, Quasimodo, la Sachette, Esmeralda, Louis XI, la fourmillante Cour des Miracles, l’assaut épique de la vieille cathédrale par les Truands ? Cette langue si neuve, si riche et si précise, ces figures, ces péripéties dramatiques, ces noms ne sortiront plus de notre mémoire ; la vision du poète est devenu la nôtre.