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qui constatent la communion profonde de l’homme et de la nature.

Les sentiments tendres, les délicatesses, même subtiles, acquièrent, en passant par une âme forte, leur expression définitive ; et c’est pour cela que la sensibilité des poètes virils est la seule vraie. Ai-je besoin, Messieurs, de rappeler les preuves sans nombre que Victor Hugo, nous a données de cette richesse particulière de son génie ? Le vers plein de force et d’éclat du plus grand des Lyriques s’empreint, quand il le veut, d’une grâce et d’un charme irrésistibles. Non seulement il vivifie ce qu’il conçoit, ce qu’il voit, ce qu’il entend, mais il excelle à rendre saisissant ce qui est obscur dans l’âme et vague dans la nature. L’herbe, l’arbre, la source, le vent, la mer, chantent, parlent, souffrent, pleurent et rêvent ; le sens mystérieux des bruits universels nous est révélé.

La Légende des siècles parut et consacra pour toujours, à l’applaudissement unanime et enthousiaste, le génie et la gloire incontestée du grand Poète. Ce sont, en effet, d’admirables vers, d’une solidité et d’une puissance sans égales, d’une langue à la fois éblouissante et correcte, comme tout ce qu’a écrit Victor Hugo qui est aussi un grammairien infaillible. Il n’appartenait qu’à lui d’entreprendre une telle œuvre, de vouloir, comme il le dit : « Exprimer l’humanité dans une espèce d’œuvre cyclique, la peindre successivement et simultanément sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion,