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Bien au delà des Jours, des Ans multipliés,
Du vertige des Temps dont la fuite est sans trêve,
Voici ce que j’ai vu, dans l’immuable rêve
Qui me hante, depuis les songes oubliés.

J’errais, seul, sur la Terre. Et la Terre était nue.
L’ancien gémissement de ce qui fut vivant,
Le sanglot de la mer et le râle du vent
S’étaient tus à jamais sous l’immobile nue.

Par le Vide sans fin, le globe décharné,
À bout de désespoir, de misère et de force,
Bossuant le granit de sa rugueuse écorce,
S’en allait, oublieux qu’un jour il était né.