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POÈMES ANTIQUES.

Quel souffle a dissipé le temps expiatoire ?
Ô vision des jours anciens, d’où renais-tu ?
Ô large chant d’amour, de bonté, de vertu,
Qui berces à jamais de ta flottante haleine
Le grand Daçarathide et la Mytiléenne,
Les sages, les guerriers, les vierges et les Dieux,
Et le déroulement des siècles radieux,
Pourquoi, tout parfumé des roses de l’abîme,
Sembles-tu rejaillir de ta source sublime ?
Ramayana ! L’esprit puissant qui t’a chanté
Suit ton vol au ciel bleu de la félicité,
Et, dans l’enivrement des saintes harmonies,
Se mêle au tourbillon des âmes infinies.

Le soleil grandit, monte, éclate, et brûle en paix.

Une muette ardeur, par effluves épais,
Tombe de l’orbe en flamme où tout rentre et se noie,
Les formes, les couleurs, les parfums et la joie
Des choses, la rumeur humaine et le soupir
De la mer qui halète et vient de s’assoupir.
Tout se tait. L’univers embrasé se consume.
Et voici, hors du sol qui se gerce et qui fume,
Une blanche fourmi qu’attire l’air brûlant ;
Puis cent autres, puis mille et mille, et, pullulant
Toujours, des millions encore, qui, sans trêve,
Vont à l’assaut de l’homme absorbé dans son rêve,
Debout contre le tronc du vieil arbre moussu,
Et qui s’anéantit dans ce qu’il a conçu.