Page:Lecluselle - Au camp de Soltau, 1919.djvu/65

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 63 —

Ah ! ce renouveau, nous qui avons assisté au lever de cette aurore nouvelle, qui avons vu la frontière, la nôtre, qui avons connu cette émotion, qui avons vécu cette minute unique, inoubliable, franchir la frontière, fouler enfin le sol de la patrie bien-aimée, revoir des visages amis, pouvoir se blottir dans les bras maternels, partout entendre le langage de nos pères, retrouver la femme aimée pour nous consoler et les chérubins pour nous encourager, nous rendre forts pour les luttes futures. Comprenez-vous notre joie, vous qui n’avez pas connu les représailles, les vexations, les exactions de toutes sortes, qui n’avez pas entendu ces fauves rugir, qui ne les avez pas vu dans l’exercice de leurs habitudes, férocité et lâcheté, la comprenez-vous ? Oh ! cette joie délirante qui confine à la folie, qui nous arracha des larmes après que tant de larmes de désespoir, de douleur et de rage avaient arrosé, nos joues amaigries, jamais vous ne pourrez la comprendre, vous qui n’avez pas souffert plusieurs années d’une dure captivité.

Bruxelles, janvier 1919.
Séparateur