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Première étape vers la liberté.


En décembre 1917, après 40 mois de captivité, je quittai l’Allemagne avec quelques centaines de camarades pour être interné comme malade en Suisse.

Toute ma vie je me souviendrai de cette minute extraordinaire où quittant le sol inhospitalier teuton, je franchissais la frontière suisse, du double accueil qui nous fut réservé.

Tandis qu’en territoire boche, la sentinelle et des habitants nous invectivaient, nous menaçaient, nous montraient le poing, à vingt mètres, en terre libre, des femmes et des enfants nous adressaient le salut de toute la Suisse, agitant mouchoirs, chapeaux, serviettes et criant : Vive la France, Vive la Belgique !

Dédaignant les vaines menaces boches, un immense ruban humain sortait des portières de notre long convoi et un seul cri s’élevait au milieu des rires et des sanglots : Vive la Suisse !

Toute ma vie, je me souviendrai de cette minute de folie où l’on se tâte, où l’on s’embrasse, où l’on rit, pleure et chante en même temps, seuls ceux qui ont passé par là peuvent nous comprendre, seuls ceux qui ont passé par là n’oublieront pas ce voyage vraiment triomphal, où, à chaque gare d’arrêt, une foule nom-