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boche, ivre d’alcool et de sang, qui hurle des injures et crache vers nous. Ce n’était donc pas contre l’armée allemande, forte et disciplinée, que nous étions en guerre, mais plutôt contre des hordes de brutes sanguinaires !

Le 27, nous gagnons Leignon, où nous bivouaquons à proximité du château ; les boches, soûls selon leur habitude, provoquent une fusillade et assassinent sept de nos camarades.

Le 28, notre calvaire reprend, nous devions gagner Marche en une seule étape. Quel triste et lamentable cortège nous formons, nous traînant péniblement, où, pour faire taire notre estomac affamé, étancher la soif qui nous dévore, éteindre la fièvre qui nous consume, nous donner des forces pour aller jusqu’au bout, nous n’avons que de l’eau, celle qui coule dans les fossés qui longent notre route ou qui croupit dans les mares stagnantes que nous rencontrons, car nos gardiens ne permettent pas aux habitants des villages que nous traversons de nous venir en aide d’une façon quelconque, ne fusse qu’un verre d’eau potable.

Cette défense fut pourtant lettre morte pour les braves gens de la commune de Hotton que nous traversons le 29 au matin.

Ah ! oui, les braves gens.

Malgré les défenses, malgré les menaces, malgré les sentinelles, ils nous ont ravitaillés comme ils ont pu, de tout ce qu’ils possédaient