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II

Les étapes du calvaire.


Le 25 au matin, nous partons vers Sommières. Quelle pénible journée nous avons passée sur cette route blanche et poussiéreuse, sous un ciel de plomb, avançant tantôt de cent mètres, stationnant des heures entières, reculant, puis avançant à nouveau de quelques centaines de mètres. De temps en temps, une des brutes qui nous accompagnent, histoire de se distraire sans doute, nous annonce qu’on nous conduit à Dinant pour nous fusiller, d’autres, que nous allons en Allemagne où nous serons casernés dans une ville et bien traités jusqu’à la fin de la guerre… dans trois ou quatre semaines. Tous ces canards qui circulent dans les rangs et le bruit de la canonnade proche augmentent encore notre énervement. Le soir, nous recevons quelques pommes de terre à manger. Le 26, nous gagnons Dinant. Nous défilons dans la malheureuse cité mosane le cœur étreint d’une angoisse sans nom tant est affligeant le spectacle qui nous est offert. En effet, tout autour de nous, des décombres fumants, çà et là quelques rares femmes atterrées par les heures d’épouvante qu’elles viennent de vivre, les yeux fous nous regardent défiler au milieu de la soldatesque