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être fiers ; les sacrifices faits et consentis librement ont été largement récompensés par le résultat final.

Prisonniers, nous étions prisonniers ; le premier moment de stupeur passé, nous nous ressaisissons et attendons les événements. La reddition des armes semble pénible à la plupart d’entre nous, et un vrai soldat n’a pu les rendre sans tristesse. C’est quand je fus désarmé que je compris combien était profondes et vraies les paroles de notre instructeur, le lieutenant E. Melot, du 10e de ligne qui, en 1899, nous disait : « Mes enfants, n’abandonnez jamais votre fusil, c’est votre meilleur ami. »

Hélas ! il nous fallut aussi abandonner autre chose que nos armes, c’était l’exil qui nous attendait, il fallait abandonner foyers, femmes, enfants, parents, amis, et pour combien de temps ?

Après avoir été réunis dans une prairie, nous sommes dirigés vers Sommières, où nous arrivons vers dix heures du soir pour coucher à la belle étoile, éclairés par la lueur sinistre d’une grange qui brûle à proximité de notre bivouac. De nourriture, toujours rien, notre dernier repas datait du dimanche à midi, et nous devions rester sans manger jusqu’au mardi soir sept heures, n’ayant pour nous soutenir que de l’eau.