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hier encore pleins de force et d’espoir, palpitant de vie et d’amour…

Que de larmes, que de deuils !

Et je me demande si Guillaume le Sanguinaire, qui porte la responsabilité de cette guerre, est tiraillé par le remords.

Que de rêves sanglants !

. . . . . . . . . .

Le canon s’est tu, la fusillade ne crépite plus, la brume descend lentement, lentement, comme lassée d’un jour si long, les bois proches s’estompent déjà dans la grisaille du soir ; la grande ombre de la mort plane sur nous, elle étend son manteau froid pendant que de là-haut une lune pâle et blafarde comme la mort nous regarde. Le cœur angoissé, la tête bourdonnante, je marche sans savoir, tandis qu’à mes lèvres monte le quatrain suivant de Leconte de Lisle :

Ô boucherie ô soif du meurtre ! Acharnement
Horrible ! odeur des morts qui suffoque et navre
Soyez maudits devant ces cent mille cadavres
Et la stupide horreur de cet égorgement.

Le coup de filet de Bioulx permettait aux Allemands d’atteindre le 25 août la frontière française. Il leur avait fallu trois semaines pour obtenir ce résultat. Leurs chants de victoire du 24 au soir ne signifiaient rien, c’était une victoire à la « Pyrrhus », de plus, la partie était irrémédiablement compromise pour ne pas dire perdue. La barrière opposée à l’envahisseur n’était pas infranchissable, mais nous pouvons néanmoins