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j’ai senti qu’il me voyait pour la vie, et qu’il voyait, non pas mon apparence toujours modifiable, mais l’être même que je suis… Et puis… et puis… je ne m’y attendais pas, quoi !… Quelle singulière rencontre !… ce petit restaurant…

— Eh bien, lui dis-je, nous sortons ?

— Non… non…

— Qu’allez-vous faire ?

— Le mieux serait d’agir franchement… de m’en remettre à lui…

— Vous n’y pensez pas ?

— Mais si, j’y pense… Outre que j’aurais avantage à l’interroger, à savoir ce qu’il sait… Ah ! tenez, j’ai l’impression que ses yeux se posent sur ma nuque, sur mes épaules… et qu’il cherche… qu’il se rappelle…

Il réfléchit. J’avisai un sourire de malice au coin de ses lèvres, puis, obéissant, je crois, à une fantaisie de sa nature primesautière plus encore qu’aux nécessités de la situation, il se leva brusquement, fit volte-face, et s’inclinant, tout joyeux :

— Par quel hasard ? C’est vraiment trop de chance… Permettez-moi de vous présenter un de mes amis…

Une seconde ou deux, l’Anglais fut déconcerté, puis il eut un mouvement instinctif, tout prêt à se jeter sur Arsène Lupin. Celui-ci hocha la tête :

— Vous auriez tort… sans compter que le geste ne serait pas beau… et tellement inutile !…

L’Anglais se retourna de droite et de gauche, comme s’il cherchait du secours.