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Était-il sérieux ? plaisantait-il ? Le ton de sa voix s’était échauffé, et il continua.

— Tout est là, voyez-vous le danger ! l’impression ininterrompue du danger ! Le respirer comme l’air que l’on respire, le discerner autour de soi qui souffle, qui rugit, qui guette, qui approche… Et au milieu de la tempête, rester calme… ne pas broncher !… Sinon, vous êtes perdu… Il n’y a qu’une sensation qui vaille celle-là, celle du chauffeur en course d’automobile ! Mais la course dure une matinée, et ma course à moi dure toute la vie !

— Quel lyrisme, m’écriai-je… Et vous allez me faire accroire que vous n’avez pas un motif particulier d’excitation !

Il sourit.

— Allons, dit-il, vous êtes un fin psychologue. Il y a en effet autre chose.

Il se versa un grand verre d’eau fraîche, l’avala et me dit :

— Vous avez lu le Temps d’aujourd’hui ?

— Ma foi non.

Herlock Sholmès a dû traverser la Manche cet après-midi et arriver vers six heures.

— Diable ! Et pourquoi ?

— Un petit voyage que lui offrent les Crozon, le neveu d’Hautrec et le Gerbois. Ils se sont retrouvés à la gare du Nord, et de là ils ont rejoint Ganimard. En ce moment ils confèrent tous les six.

Jamais, malgré la formidable curiosité qu’il m’inspire, je ne me permets d’interroger Arsène Lupin sur les actes de sa vie privée, avant que lui-même ne m’en ait parlé. Il y a là, de ma part, une question de réserve sur laquelle je ne transige